Du concept à l’idée – 4 outils pour booster votre créativité

Du concept à l’idée – 4 outils pour booster votre créativité 1024 324 kxiop

L’image d’Epinal d’Archimède dans sa baignoire ou d’Isaac Newton sous son arbre tendent à corroborer trois idées reçues sur la créativité pour le moins inexactes. Tout d’abord, celle-ci serait réservée à une élite, quelques « happy few » qui seraient les seuls dépositaires d’une capacité d’invention. Ensuite, elle résulterait d’une démarche individuelle. Enfin, elle serait le fruit d’une illumination brutale, d’un éclair de génie.

Ces représentations sont incompatibles avec l’innovation telle qu’elle est pratiquée par les entreprises aujourd’hui. Celles-ci mettent en œuvre des démarches participatives, collaboratives et structurées, supportées par des méthodologies et des outils.

Il nous a semblé intéressant de présenter quelques outils et idées simples permettant de « booster » la créativité. Ces méthodes, souvent issues de la communauté scientifique, ont en priorité été appliquées à la résolution de problèmes techniques rencontrés lors de développements de produits. Néanmoins leur portée dépasse largement ce cadre et elles conservent toute leur utilité et puissance créatrice dans la résolution de problèmes humains.

Les démarches d’idéation comportent immanquablement une étape de génération d’idées. Il s’agit d’en proposer le plus grand nombre, indépendamment de leur pertinence qui sera évaluée ultérieurement. Quelques outils simples permettent de démultiplier votre capacité à générer des idées variées et originales.

Décliner les concepts clés

La première méthode d’idéation consiste à partir d’une première idée (réelle), d’en extraire des caractéristiques clés (concepts) et de générer des variantes (réelles) à partir de ces concepts.

Ainsi, imaginons que vous ayez apprécié le film « Million dollar baby » et que vous cherchiez un film similaire à regarder. Avant de vous plongez dans les arcanes du moteur de recherche de votre portail vidéo préféré, il peut être intéressant de vous livrer à un petit exercice d’analyse des caractéristiques de ce film – son réalisateur, Clint Eastwood ; ses acteurs clés, Hilary Swank et Morgan Freeman ; ses récompenses, Oscar du meilleur film ou encore son univers, celui de la boxe.

Chacune de ces caractéristiques peut alors être déclinée en idées de films :

Il ne reste plus qu’à choisir !

Changer d’échelle

La génération d’idée peut également être facilitée en faisant varier les deux dimensions primordiales que sont l’espace et le temps.

  • Dans l’espace, le problème peut être considéré à un niveau plus macroscopique prenant en compte un super-système ou l’environnement. Il peut l’être également à un niveau plus microscopique en prenant en compte la composition ou les différents constituants du système.
  • La variation sur l’axe temporel consiste à réaliser un point de situation à l’instant présent, puis à considérer ce qui aurait pu être mis en œuvre dans le passé et à envisager comment traiter le problème à posteriori.

Cette méthode conduit à réaliser un tableau de trois lignes et trois colonnes. La figure ci-dessous considère, à titre illustratif, le problème des accidents impliquant des automobiles et dont sont malheureusement victimes de nombreux cyclistes. Dans chacune des neuf cellules du tableau figurent des pistes de solution appréhendant le sujet de manières différentes.

Mettre en perspective les concepts et les connaissances – La méthode C-K

Pour naviguer parmi les idées et permettre aux meilleures d’entre elles de se transformer en innovation radicale des chercheurs ont mis au point une méthode d’innovation performante. Celle-ci consiste en la modélisation des raisonnements de conception, c’est-à-dire la représentation des cheminements intellectuels qui ont lieu lorsqu’une organisation cherche à innover. Le principe général part du constat que l’invention d’une idée nouvelle se construit toujours par rapport à des connaissances ou faits déjà établis et partagés.

Cette méthode appelée la méthode C-K est un outil d’innovation à fort impact qui permet d’inventer des produits ou services très innovants et de piloter le processus d’innovation associé. Ce type d’innovation est qualifié de radicale, ou encore d’innovation de rupture. En utilisant la méthode C-K il est possible de réinventer un produit (un avion économe en énergie par exemple), un service (la prestation d’un service de mobilité aéronautique par exemple), ou encore un processus (la livraison de pièces détachées aéronautiques à la demande par exemple).

La méthode C-K est à l’innovation ce que la carte et la boussole d’un navigateur sont à l’exploration des océans. Cette méthode est utilisée pour tracer des pistes d’innovation à explorer, décider des pistes prioritaires sur lesquelles s’engager et utiliser les nouvelles connaissances apprises sur une piste déjà explorée pour mettre la cartographie à jour et pouvoir investiguer la piste suivante.

Comme son nom l’indique, C-K fonctionne en s’appuyant sur deux espaces, l’espace des Concepts appelé C et l’espace des connaissances appelé K (pour Knowledge en anglais).

Le premier espace baptisé C est celui de la nouveauté, de l’imaginaire, des idées et de ce qui n’est pas encore connu comme possible : c’est dans cet espace que le produit ou service sur lequel doit porter l’innovation va faire l’objet de mutations. Par exemple, pour réinventer le voilier de course nous pouvons imaginer « un voilier qui vole ». C’est dans cet espace que les innovateurs vont essayer de créer des nouveaux concepts, mais comme nous l’avons déjà vu, en matière d’innovation avoir des idées ne suffit pas !

Pour aller plus loin dans le raisonnement de conception un second espace dénommé K est nécessaire. K est l’espace des connaissances établies et partagées. Pour notre exemple on peut citer l’hydrodynamisme des coques de bateau, la mécanique des fluides, le fonctionnement d’une voile ou encore les mécanismes du vol. C’est grâce à cette mise en regard de connaissances de domaines apparemment disjoints, tels que les bateaux et les oiseaux dans notre exemple, que le concept peut évoluer et être progressivement raffiné. Notre concept initial « un voilier qui vole » est devenu « un voilier qui vole sur l’eau ». Comment peut-on voler sur un fluide ? L’espace K donne à nouveau une réponse, il est possible d’utiliser des ailes ! Le concept mute alors à nouveau et devient « un voilier qui vole sur l’eau grâce à des ailes ».

En réalisant plusieurs d’allers-retours entre les espaces C et K, il est possible d’inventer un objet à la fois totalement nouveau dont on peut établir s’il est réalisable à l’aide des connaissances acquises au fur et à mesure de cette démarche d’exploration C-K. Dans notre exemple vous l’aurez compris, nous venons d’inventer l’hydroptère en utilisant les connaissances issues du domaine aéronautique pour les appliquer à la marine.

Au-delà de l’aide précieuse qu’elle apporte pour déclencher et soutenir les innovations radicales, la méthode C-K permet de cartographier et d’inventorier concepts et connaissances, dans une logique de consolidation et de partage.

Utiliser les principes inventifs génériques

La dernière méthode présentée ici consiste à mobiliser les « 40 inventives principles ». Ces principes généraux ont été dégagés de l’analyse systématique de plusieurs dizaines de milliers de brevets initiée par le scientifique russe Genrich Altshuller. Ces travaux l’ont amené à la conclusion que toutes les inventions sous-tendant ces brevets peuvent se réduire à quarante principes d’innovation élémentaires. Parmi ces principes on trouve des concepts tels que la segmentation, la fusion, l’asymétrie, les poupées russes ou encore le changement de couleur.

A titre d’exemple, prenons ainsi le premier de ces quarante principes : la segmentation. Il consiste à diviser ou à considérer un tout en parties indépendantes. C’est ce principe qui est à l’œuvre dans les bâtons de marche télescopiques, dans les meubles vendus en kit ou encore dans les offres bancaires mono-produit (établissements spécialisés dans les prêts ou les dépôts à vue).

Bien entendu, tous les principes ne sont pas pertinents pour tous les problèmes. Néanmoins chercher à imaginer une solution à l’aune de chacun de ces principes d’invention peut se révéler fructueux.

Restons dans l’univers de la petite reine et recherchons des solutions au problème de la crevaison. L’examen des « 40 inventive principles » permet de détourer quelques pistes :

Des méthodes plus sophistiquées telles que la méthode TRIZ auraient pu compléter cet exposé. Nous avons néanmoins fait le choix de nous focaliser sur quelques outils dont le retour sur investissement est un « no brainer » en raison de leur efficacité et de leur simplicité de mise en œuvre.

Cet article a été co-écrit avec Pierre-Antoine ARRIGHI. Pierre-Antoine est ingénieur, designer, et Docteur en Management de l’innovation Mines ParisTech, est aujourd’hui Manager chez kxiop. Il est responsable du kxiop Experience Center.